Pardon et justice de Dieu, dans l'ombre des abus en Eglise
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Nous avons été surpris par l’ambiguïté théologique de bien des déclarations
et alertés par la peine à comprendre comment se noue l’exigence de justice à l’appel
au pardon. Le nouveau numéro des RSR s’interroge: « Comment articuler
justice et pardon après la révélation des agressions sexuelles et des emprises
spirituelles en Église? ».
Thomas d’Aquin pensait déjà les risques d’un « pardon à bon marché ». Cherchant à
échapper à la justice, il créerait une injustice incompatible avec la
miséricorde d’un Dieu qui est « juste et miséricordieux en toutes ses œuvres ». Le pardon est une
notion et un geste des plus difficiles et ambigus. Il questionne notre
condition humaine, inscrite dans le temps irréversible qui pourtant laisse
aussi s’effacer jusqu’à l’impardonnable, pour le meilleur et le pire. Qu’en
est-il quand on prend en compte les séquelles irréparables dont souffrent les
victimes et le refus de soins des agresseurs? Le pardon est certes à la
portée de notre conscience compatissante et de notre détermination à agir. Des
sanctions appropriées, des mesures de prévention nécessaires sont l’expression
de notre sollicitude, forcément limitée, envers celles et ceux qui souffrent de
ces violences. Mais notre attente de justice et de compassion ne nous
porte-t-elle pas plus loin ? Le pardon ouvre radicalement à l’espérance en Dieu
qui manifestera son jugement à la fin des temps, lequel ne peut nous dispenser
de craindre sa colère, ni d’espérer son infinie miséricorde.
Patrick C. Goujon, rédacteur en chef.
Avec les contributions de Nicholas Austin (moraliste), Dan Arbib (philosophe),
Anne Danion-Grilliat (pédopsychiatre), Olivier Échappé (canoniste), Céline
Rohmer (bibliste), Michel Fédou (théologien).
En supplément: l’analyse théologique du Synode par un de ses experts,
Christoph Theobald.
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